Ebenistyka w epoce rozwoju przemysłu, biuletyn no. 6.pdf

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N OTES & M ORCEAUX C HOISIS
n°6 — octobre 2004
La menuiserie et l’ébénisterie
à l’époque de
la production industrielle
1. le diable est dans les détails (p. 1)
justification d’un point de vue critique
2. remarques d’ordre historique (p. 2)
l’organisation des métiers avant le capitalisme industriel
3. apports de la mécanisation (p. 9)
le travail avec les machines-outils & la production industrielle
4. la menuiserie tombe dans le panneau (p. 15)
la modernisation radicale du métier
5. économie politique de l’industrie du bois (p. 24)
le travail mort dans la société industrielle
6. économie politique de la menuiserie (p. 27)
pourquoi la machine ne devrait pas tout faire
Morceau choisi :
Profusion et tapage
dans la création contemporaine
par Georges Vriz, artiste marqueteur — 1984
page 36
Bulletin critique
des sciences, des technologies
et de la
société industrielle
Tous les ans
5 euros
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La menuiserie et l’ébénisterie
à l’époque de
la production industrielle
« À présent, faut faire de la boîte à savon
dans de la betterave si on veut se nourrir. » (1)
Pierre Perret, Le parler des métiers , 2002.
et les productions de la société moder-
ne, il existe aujourd’hui nombre de
publications qui ont des prétentions
critiques : de la critique artistique, lit-
téraire ou cinématographique aux
magazines comme 60 millions de
consommateurs en passant par toutes
sortes de revues pour professionnels
ou amateurs sur les sujets les plus
divers et les objets les plus variés.
Mais, paradoxalement, alors que des
techniques sont à la base de toutes ces
activités et que de plus en plus de pro-
duits de la technologie envahissent
leur pratique autant que la vie quoti-
dienne de tout le monde, ces ouvrages
ne présentent que très rarement un
point de vue ou une analyse critique
des matériaux et des conditions de
leur usage. La plupart du temps, ils
restent purement descriptifs, se réfu-
giant derrière la neutralité supposée
de l’objectivité de la technique, et se
cantonnent strictement à un domaine
ou à un procédé précis en l’isolant de
son contexte. En fait d’analyse cri-
tique, il serait plus juste de dire qu’ils
comparent les performances de tels ou
tels artistes, auteurs, machines ou
produits industriels les uns avec les
autres. Lorsqu’ils s’aventurent à faire
des commentaires sur les moyens
employés pour arriver à ces résultats ,
on y trouvera, invariablement, l’apolo-
gie de toutes les évolutions technolo-
giques, de l'industrialisation des
métiers, des matériaux nouveaux et la
valorisation a priori de toutes les
innovations comme source d’auda-
cieuses transgressions et de néces-
saires améliorations : l’idée générale
est que toujours nous avons affaire à
un progrès inéluctable qui ne saurait
apporter que plus de liberté dans la
création et la vie sociale. A l’opposé, ils
font preuve d’un silence assourdissant
quant aux bouleversements, destruc-
tions et nuisances inédites qu’engen-
drent ces évolutions, ces nouveaux
procédés et matériaux.
C’est ainsi que concernant la
menuiserie et l’ébénisterie, tout le
monde trouve l’évolution du métier
extraordinaire, personne ne voit (en
réalité, ne veut voir) que chacun, litté-
ralement, scie la branche sur laquelle
il est assis. Il y a là une collusion évi-
dente des auteurs et des éditeurs d’ou-
vrages techniques avec l’industrie qui
est leur principal client et commandi-
taire. Mais il ne faut pas non plus
négliger le scientisme propre aux ingé-
nieurs et la fascination pour la puis-
sance de la technologie propre aux pro-
fessionnels ; ensemble, ils en viennent
ainsi naturellement à considérer « l’ac-
croissement indéfini des forces produc-
tives » (comme le disait autrefois la
rhétorique stalinienne) comme un pro-
grès en soi. Et pour soutenir cet éloge
de la modernité, rien de tel que de
convoquer la tradition la plus ancien-
ne dont, justement, les métiers du bois
étaient si riches :
Nous sommes bientôt au XXI e siècle, et
si nous voulons que notre métier vive,
nous ne devons plus nous enterrer dans
des conceptions de meubles qui ne corre-
spondent plus aux besoins de nos contem-
porains. Étudions les techniques passées,
pour nous en servir, pour les dépasser.
Ouvrons-nous aux techniques actuelles.
Les métaux, les matières plastiques, est-
ce une hérésie de les employer dans le
meuble ? Quelle a été l’hérésie de Boulle
lorsque, s’inspirant des dessins de Berain,
il décora ses meubles de cuivre, d’étain,
d’écaille… Nous avons des artistes créa-
teurs, nous avons de nouveaux maté-
riaux, inox, alu, etc. Certaines matières
plastiques thermoformables et même for-
mables à froid, sont splendides. (3)
1. le diable est dans les détails
Nombre d’analyses sur le travail et
la technique s’en tiennent souvent à
des généralités, voire à des clichés,
faute de s’attacher à des faits précis,
d’entrer dans le détail d’une pratique
déterminée : quelles techniques sont
mises en œuvre, avec quelles consé-
quences sur le travail et sur le métier,
sur la production et son usage dans la
société ? Le piège est de faire de “la
technique” une entité abstraite qui se
présenterait à l’esprit comme un objet
aux contours et couleurs bien définis,
alors que les techniques, le travail, les
métiers et la société sont avant tout
des rapports entre les hommes, plus
ou moins médiatisés par des outils,
des objets et différentes formes écono-
miques et sociales d’organisation.
Ainsi, ce qui se présente à nous immé-
diatement comme des faits (les outils
et machines, les matériaux et métiers,
les productions et leurs usages) sont
avant tout des produits sociaux et his-
toriques, inclus dans un ensemble de
relations vivantes. On ne peut donc les
saisir de manière “scientifique”, au
sens étroit auquel on entend habituel-
lement ce terme, c’est-à-dire en tant
qu’ensemble de choses figées et
immuables ; sinon pour en décrire
l’état à un moment donné, ce que font
et ont fait la plupart des ouvrages spé-
cialisés sur des métiers comme la
menuiserie et l’ébénisterie. Il me
semble pourtant possible de les saisir
plus exactement de manière histo-
rique, dialectique (2) et critique : il ne
s’agit pas de voir seulement ce qui
change, mais aussi de qualifier et de
juger ces transformations des pra-
tiques et du cadre de vie à l’aune de
notre humanité elle-même, de montrer
en quoi elles participent, ou au
contraire ne participent pas, à l’élabo-
ration de notre humanité.
Pourtant chacun peut constater
que sur quasiment toutes les activités
Comme si ces matériaux n’étaient
pas produits en masse et que leur
emploi pour une production industriel-
le n’avait par ailleurs aucune espèce
de conséquence sociale : pourquoi y a-
t-il de moins en moins de véritables
menuisiers et ébénistes ? Pourquoi,
malgré des matériaux disponibles à
moindre coût, plus faciles à mettre en
œuvre et des machines qui n’exis-
taient pas par le passé, les ouvrages de
menuiserie et plus encore d’ébéniste-
rie deviennent-ils de plus en plus des
produits de luxe ? Bref, pourquoi ces
métiers sont-ils en train de mourir ? On
3. François Germond, L’Ébéniste , éd. Dessain
& Tolra, 1982 (p. 82). Il est étonnant de constater
à quel point on retrouve des arguments simi-
laires dans divers domaines de la production
pour justifier l’innovation technologique. Ainsi,
récemment, pour justifier l’emploi des orga-
nismes génétiquement modifiés (OGM) dans
l’agriculture, les semenciers arguaient que les
manipulations génétiques par lesquelles ils obte-
naient ces semences dans leurs laboratoires
n’étaient que le prolongement du travail de sélec-
tion empirique que les agriculteurs effectuaient
dans leurs champs depuis des millénaires…
1. Dans l’argot du métier : la boîte à savon
désigne des meubles dont la construction est
proche de la simple caisse, en particulier les
meubles industriels jetables ; la betterave est du
mauvais bois. Cette phrase, y compris par son
caractère absurde au premier abord, résume
assez bien, à notre avis, l’état actuel du métier…
2. C’est-à-dire en faisant ressortir les contra-
dictions qui animent l’évolution historique.
— 1 —
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Notes & Morceaux Choisis n°6
préfère ne pas y penser : « la maison
brûle, et nous regardons ailleurs » (4) ,
tel a été depuis 50 ans et tel sera enco-
re, à n’en pas douter, la politique, là
comme ailleurs…
Acceptée comme une évidence ou
plutôt comme un dogme — c’est-à-dire
jamais vérifiée, jamais discutée —,
cette idéologie progressiste, avec son
aveuglement sur les conséquences de
ses actes et de ses choix, entérine par-
tout la perte de l’intelligence de ce que
l’on fait, l’incompréhension grandis-
sante des rapports vivants que son
activité entretient avec le reste de la
société et de la nature. Cette perte
renforce à son tour le fatalisme devant
l’évolution technologique et l’accepta-
tion des nuisances qui en découlent.
La boucle est bouclée, et tout va bien
dans le meilleur des mondes technolo-
gique possible puisque l’on serait bien
en peine de dire « au nom de quoi » il
faudrait critiquer tous ces merveilleux
“progrès”.
Pour aller là-contre, je commence-
rais par dire très simplement que l’his-
toire du dernier siècle a suffisamment
montré que le progrès technique était
bien loin d’entraîner automatique-
ment un progrès dans la condition
humaine : le système industriel du
capitalisme a atteint les limites de la
planète, et fait maintenant peser des
menaces sur la survie et l’avenir de
l’humanité qui valent bien les
angoisses de la guerre froide liées à la
course aux armements nucléaires.
L’accroissement de la production et
des rendements, l’abondance dans
l’ordre matériel, s’ils sont certaine-
ment importants, ne doivent pas occul-
ter les transformations d’ordre écolo-
gique, social, culturel et psychologique
qu’elles ont engendrées et qui vien-
nent relativiser ces résultats : un “pro-
grès” qui saccage les conditions de la
vie présente et qui hypothèque l’avenir
n’est qu’une sinistre farce. Évaluer les
progrès techniques à l’aune des trans-
formations globales qu’ils ont induites
est bien moins simple, assurément,
que de répéter les dogmes progres-
sistes et les prières scientistes. C’est
pourtant ce que je me propose d’es-
sayer de faire ici en ce qui concerne la
menuiserie et l’ébénisterie.
par rapport à l’ensemble des données
et études à faire pour avoir un aperçu
véritable sur l’histoire et la réalité
actuelle du métier. Malheureusement,
il n’existe que fort peu d’ouvrages his-
toriques sur ces sujets — il y a une
floppée d’ouvrages sur les styles et
l’histoire du mobilier, mais quasiment
rien sur l’histoire du métier et de ceux
qui l’ont pratiqué. Et il faut dire aussi
qu’à partir du moment où l’on ne s’en
tient pas à l’examen des seules tech-
niques mises en œuvre mais que l’on
essaie d’apercevoir les relations que
ces métiers entretiennent avec les
autres activités et la société — ce que
j’appelle peut-être un peu impropre-
ment économie politique —, les sujets
qu’il serait nécessaire d’aborder se
multiplient considérablement. J’ai
donc choisi de parler plus spéciale-
ment de certaines choses qui me
paraissaient importantes et d’en évo-
quer quelques autres en passant
lorsque j’ai pu disposer de quelques
éléments significatifs ; n’ayant pas le
loisir de faire mieux pour le moment.
La seule originalité que reven-
dique ce texte, par rapport à toute la
littérature existante, est donc d’expri-
mer un point de vue critique… et de
tenter de faire saisir les raisons qui le
motivent. L’idéal social qui l’inspire
n’a rien à voir avec une utopie dogma-
tique ou avec la nostalgie d’une époque
passée, mais plutôt avec une concep-
tion de la société comme ensemble
vivant de rapports humains (5) . De
fait, il a assez peu d’affinité avec la
société actuelle où, de plus en plus, le
« travail mort » de la technologie et de
l’industrie domine toute la vie sociale
et étouffe toute possibilité de « travail
vivant ». Dans ce qui suit, je vais donc
essayer de montrer comment un cer-
tain nombre d’innovations technolo-
giques ont non seulement transformé
un métier au point de le détruire
presque entièrement, mais aussi
transformé l’environnement social et
le rapport du public à ses productions
au point de rendre désirable la pour-
suite de cette destruction. Enfin, j’es-
saierai de montrer quelles sont les rai-
sons de mon attachement, malgré une
telle évolution, à ces savoirs-faire et ce
qu’il me semble encore possible d’en
faire aujourd’hui.
Je travaille depuis environ six ans
comme menuisier d’agencement ; j’ai
appris sur le tard ce métier, ainsi que
l’ébénisterie, par les cours du soir de la
Ville de Paris. Si mon expérience n’est
certainement pas celle d’un “profes-
sionnel” au sens habituel de ce terme,
le peu de choses que j’ai pu faire
durant ces années m’a permis d’avoir
un certain aperçu sur les pratiques
modernes. Dans les pages qui vont
suivre, je n’en propose pas une étude
exhaustive, je veux seulement en
dégager les grandes lignes et engager
une réflexion sur leurs conséquences.
Toutes les contributions, commen-
taires ou critiques qui pourraient me
permettre de compléter et d’améliorer
cette ébauche d’enquête sont donc les
bienvenus…
2. remarques d’ordre historique
Le but de ce chapitre n’est pas de
faire l’histoire de la menuiserie et de
l’ébénisterie en particulier, mais plu-
tôt d’évoquer un certain nombre d’as-
pects historiques propres à la pratique
et à l’organisation générale des
métiers avant l’avènement du capita-
lisme industriel. Il s’agit de faire
apparaître quelques éléments essen-
tiels afin de permettre la comparaison
avec la situation d’aujourd’hui et sur-
tout de mieux faire comprendre la
perspective qui est la mienne ici. Il
n’est pas non plus question par là de
prétendre que « c’était mieux avant »
et encore moins de faire des corpora-
tions ou du compagnonnage un modè-
le, mais plus simplement, en montrant
que d’autres formes d’organisation ont
existé avec des buts assez différents,
inciter à la réflexion sur celles d’au-
jourd’hui et peut-être encourager à
imaginer autre chose…
atelier de menuiserie au XV e siècle
Le texte qui suit ne prétend donc à
l’objectivité que dans la mesure où il se
fonde sur des faits réels et vérifiables.
Il expose à partir de là un point de vue
particulier — assez peu répandu dans
ces métiers —, mais qui n’en a pas
moins une portée que je veux croire
plus universelle en ce qu’il s’attache à
(dis)cerner la mesure des besoins et
aspirations humaines. Ce qui suit est
certainement très imparfait du point
de vue de l’enquête, et très sommaire
les corporations d’arts et de métiers
C’est à partir du XIII e siècle que les
artisans et travailleurs libres vivant
dans les villes commencent à s’organi-
ser en corps de métiers.
Le métier proprement dit conservait ce
nom jusqu’au jour où il devenait assez
important pour obtenir des statuts et se
constituer en communauté. Les membres
d’un métier restaient indépendants les
uns des autres et étaient tenus seulement
de se conformer à des règlements de poli-
5. Voir Bertrand Louart, Quelques éléments
d’une critique de la société industrielle , juin 2003.
Disponible sur demande à Notes & Morceaux
Choisis .
4. Déclaraction de Jacques Chirac à propos de
l’état de la planète au sommet de la Terre de
Johannesbourg en 2002.
— 2 —
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la menuiserie & l’ébénisterie
ce, qui ne visaient en général que leurs
rapports avec le public. Il est clair que
toute corporation a commencé par être un
métier. (6)
dans ce que l’on nomma d’abord le com-
mun du métier , le métier juré ou le corps
du métier , et plus tard la communauté ou
la corporation .
On entendait par ces mots l’associa-
tion, reconnue par l’État, d’individus
exerçant la même profession. Le corps de
métier avait ses privilèges, ses charges, sa
hiérarchie. Il réglait lui-même sa discipli-
ne, exposée dans des statuts rédigés en
commun, et auxquels chaque membre de
l’association jurait obéissance ; ces sta-
tuts, une fois approuvés par le souverain
ou son représentant avaient force de loi
vis-à-vis de tous les citoyens. La corpora-
tion constituait ainsi une personne mora-
le, capable d’acquérir, d’aliéner, de faire
tous les actes de la vie civile.
(Franklin, op. cit. )
avaient intérêt à s’entendre pour se
défendre contre ceux qui pouvaient leur
nuire : contre leurs seigneurs d’abord,
parce qu’il valait mieux obtenir d’eux des
statuts qui équivalaient à un contrat que
d’être livrés à leur merci et à celle de leurs
subalternes : c’est le motif qui poussait les
bourgeois à demander des chartes de com-
munes ; contre les marchands et artisans
du dehors qui auraient pu venir leur faire
concurrence ; habitants de la ville, ils pré-
tendaient avoir le privilège de travailler
seuls ou presque seuls pour cette ville ;
contre les mauvaises fabrications et les
produits falsifiés qui étaient domma-
geables au public et qui nuisaient à la
réputation du métier ; contre leurs
propres concitoyens qui compromettaient
aussi le métier lorsqu’ils s’en mêlaient
sans l’avoir appris et qui d’autre part,
augmentaient le nombre des concurrents ;
contre l’intrusion par l’apprentissage d’un
trop grand nombre de membres dans le
métier. Ainsi, deux sentiments les ani-
maient : assurer la bonne police du métier
et s’assurer pour eux-mêmes, autant que
possible, le monopole du métier. […]
Au Moyen Âge, on ne pouvait guère
élever que privilèges contre privilèges.
Sous la sauvegarde de cette institution les
gens de métier dans les villes, ou plus
exactement dans un certain nombre de
villes, sont sortis de la condition où les
tenaient le servage et la féodalité pour
atteindre à la hauteur où nous les voyons
dans la première moitié du XIV e siècle.
(Levasseur (7), vol. I, p. 271)
Par ouvrier, on désignait alors
indistinctement les différentes classes
de personnes qui travaillaient de leur
mains, « ouvraient, faisaient ouvrage » ,
c’est-à-dire autant les maîtres, les arti-
sans dirigeant un atelier, que leurs
valets, les employés embauchés à la
journée, à la semaine ou au mois, ou
encore leurs apprentis. A l’origine, les
différents métiers liés au travail du
bois (huchiers, huissier, lambrisseur,
charron, etc.) sont compris dans le
corps des charpentiers qui est proba-
blement un des premiers métier à se
constituer en corporation. C’est en
1290 que se constitue la communauté
des huchiers , appelés plus tard menui-
siers. La huche, ou pétrin, est un coffre
qui servait à faire le pain, puis à le
conserver ainsi que d’autres denrées
alimentaires ; c’est le meuble le plus
courant au Moyen Âge. Menuiserie
vient du verbe menuiser , travailler à
de menus (petits) ouvrages, par oppo-
sition aux grands ouvrages de char-
pente.
La corporation était conçue comme
une communauté à part entière, ras-
semblant des gens de métier unis, sous
la foi d’un serment prêté sur les
reliques et les évangiles (d’où les
termes jurés pour désigner ses
membres et jurandes pour désigner
l’association), par le respect des règle-
ments qu’elle s’était donnée à elle-
même et dont les pouvoirs publics,
royauté ou municipalité, ne faisaient
que reconnaître et avaliser les statuts.
Ces derniers déterminent assez préci-
sément l’organisation de la commu-
nauté de métier :
Au début, n’importe quel ouvrier
ayant les fonds nécessaires, pouvait
prétendre accéder à la maîtrise et
ainsi participer à l’organisation du
corps de métier.
L’artisan du XIII e siècle, plus libre que
celui du IV e [époque du servage], avait de
plus fortes raisons d’aimer sa corporation.
Il ne s’y sentait pas enchaîné par la main
despotique d’un maître. Il avait conquis
ses grades ; il faisait parfois remonter à
une haute antiquité les franchises de sa
profession ; il était fier de ses droits et
éprouvait ce sentiment d’orgueil qui s’at-
tache à la possession d’un privilège. Si son
seigneur nommait dans certains cas ses
magistrats, dans d’autres l’artisan les
choisissait lui-même. Il faisait observer
les règlements, il jugeait ses pairs, il rédi-
geait dans ses assemblées les statuts du
métier, que sanctionnait ensuite le magis-
trat de la cité ; enfin, dans beaucoup de
villes qui n’étaient pas aussi directement
soumises que Paris à l’autorité royale, il
prenait une part au gouvernement des
affaires, sa corporation étant pour ainsi
dire une subdivision politique de la muni-
cipalité. L’artisan devait avoir un attache-
ment sincère pour une institution qui le
relevait ainsi à ses propres yeux. La
confrérie en était le complément.
(Levasseur, op. cit. , vol. I, p. 295)
charron au XV e siècle
Une communauté de métier était
une fédération des maîtres dont les
ateliers constituaient en fait une
extension de l’organisation domes-
tique, une sorte d’association familia-
le. Ainsi, les apprentis travaillaient
pendant plusieurs années dans un
même atelier et étaient logés et nour-
ris par la famille du maître. Les valets,
ouvriers et plus tard compagnons, qui
après avoir achevé leur apprentissage
étaient admis dans le corps de métier
après avoir juré obéissance à ses règle-
ments, étaient nourris et souvent logés
également dans la famille du maître.
La corporation détenait le monopo-
le de l’exercice d’un métier :
On aurait jadis bien étonné un com-
merçant si on lui eût dit qu’un jour vien-
drait où aucune solidarité n’existerait
entre les personnes exerçant la même pro-
fession ; que tout individu aurait le droit
d’ouvrir boutique et de se dire son confrè-
re, sans fournir aucune garantie d’aptitu-
de, ni d’honorabilité ; que chacun pourrait
établir à sa guise les produits de son
industrie, en dissimuler les défauts,
vendre du vieux pour du neuf, du mauvais
pour du bon, du faux pour du vrai, sans
qu’il fût permis au corps qu’il compromet-
tait ainsi de lui infliger aucune peine,
aucun blâme même.
Celui qui voulait se livrer à une indus-
trie ou à un commerce devait, avant tout,
être accepté par ceux dont il allait devenir
l’allié. Il lui fallait prouver qu’il était
homme de bien, ensuite qu’il avait fait un
apprentissage sérieux et acquis une ins-
truction professionnelle complète, enfin
qu’il possédait les capitaux nécessaires au
négoce qu’il désirait entreprendre. Ces
conditions remplies, il était solennelle-
ment admis, comme maître ou patron,
Esprit général du corps de métier — Le
corps de métier consacre et sauvegarde
les droits du travail. Ce n’était pas alors
des droits généraux que la loi garantit à
tout citoyen. C’était des droits particu-
liers que certains groupes obtenaient et
qui, par cela seul, tenaient moins de l’éga-
lité que du privilège. Tel était, en général,
le caractère ordinaire des droits au Moyen
Âge ; le corps de métier, comme les autres
institutions, en portait l’empreinte.
Groupés souvent dans le même quar-
tier, les gens d’une même profession
avaient été amenés, quelque fut la cause
première du groupement, à penser qu’ils
Chaque communauté avait sa
Confrérie, œuvre toute de charité et d’as-
sistance, dont faisaient partie tous les
gens du métier. C’était une sorte de socié-
té religieuse et de secours mutuels, ali-
mentée surtout par les amendes, les parts
6. Alfred Franklin, Dictionnaire historique des
arts, métiers et professions exercées dans Paris
depuis le XIII e siècle , art. Corporations, 1906.
7. Emile Levasseur, Histoire des classes
ouvrières et de l’industrie en France avant 1789 ,
1900.
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