Wybitne stolarstwo epoki Ludwika XIV. Demetrescu-Jean Armand.pdf

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JEAN ARMAND, UN ÉBÉNISTE REDÉCOUVERT
DU TEMPS DE LOUIS XIV
par CĂLIN DEMETRESCU
Résumé
La découverte de plusieurs documents d’archives inédits a permis de retracer ici la biographie de Jean
Armand, ébéniste ayant oeuvré pour la Couronne pendant les premières années du règne de Louis XIV et dont le
nom n’était connu jusqu’à présent que par le seul biais des mentions des Comptes des Bâtiments du Roi , publiés
par Jules Guiffrey. De son vrai nom Jan Ghermaens, il était vraisemblablement originaire du pays des Juliers ou
de Flandre et était déjà installé à Paris vers 1630–1635. Désigné dès 1640 en tant que menuisier du Roi en ébène,
il fut également ébéniste de Gaston d’Orléans (1608-1660), oncle de Louis XIV et de la Reine-mère, Anne
d’Autriche (1601–1666). À partir de 1661, il figura parmi les artisans payés par l’administration des Bâtiments du
Roi, pour laquelle il travailla jusqu’en 1670, date de son décès, exécutant plusieurs parquets et estrades, mais
aussi des meubles en pierres de rapport. Son inventaire après décès retrouvé permet de reconsidérer l’importance
de son atelier, de connaître sa clientèle, ainsi que son environnement socioprofessionnel. En dehors de la
production de mobilier, il s’adonna – à l’instar de son beau-père, le peintre flamand Jean-Michel Picart (1600-
1682) – au commerce des tableaux. Les documents retrouvés ont rendu également plausible l’attribution à Jean
Armand de certains meubles exécutés dans les années 1645-1670, qui avaient été rattachés jusqu’à présent par la
critique traditionnelle à la création de Pierre Gole (vers 1620-1685), un autre ébéniste de la Couronne.
Keywords: Cabinetmaker, Louis XIV, painting trade.
Jean Armand, figure jusqu’à présent méconnue, se révèle doublement intéressant,
par les liens de famille et socioprofessionnels et par le double aspect de sa carrière : de
menuisier en ébène et commerçant de tableaux. L’étude se propose de faire une
présentation de cet intéressant artiste en ébène, aussi bien qu’une sorte d’inventaire des
objets créés. Le règne de Louis XIV, le plus long que la France ait connu dans son
histoire, constitue, certes, l’époque la plus bénéfique pour l’essor des arts décoratifs
modernes dans leur ensemble. Si l’histoire et le fonctionnement des institutions chargées
de régir la création et l’exécution du mobilier pour les maisons royales, ainsi que de
conserver ses traces, ont déjà constitué l’objet d’études et de publications anciennes ou
récentes, si les quelques vestiges du mobilier de Louis XIV sont déjà connus et publiés
depuis un certain temps, l’étude des biographies des protagonistes chargés de la
réalisation de cette production demeure encore assez lacunaire. Car, à l’exception
d’André-Charles Boulle, dont la vie et l’œuvre ont fait l’objet d’un intérêt grandissant
depuis le XVIII e siècle et jusqu’à présent, seul Pierre Gole bénéficia d’études approfondies 1 ,
1 Th. H. Lunsingh Scheurleer , Pierre Gole, ébéniste du roi Louis XIV , The Burlington Magazine , CXXII,
927, juin 1980, p. 259-268 ; Th. H. Lunsingh Scheurleer, The Philippe d’Orléans ivory cabinet by Pierre Gole ,
STUDII ŞI CERCET. IST. ART., ARTĂ PLASTICĂ, serie nouă, tom 1 (45), p. 49–82, Bucureşti, 2011
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alors qu’on ne dédia que des contributions ponctuelles au reste des ébénistes de la
Couronne pendant les dernières années 2 .
***
À l’instar de la plupart des ébénistes qui ont œuvré pour les Bâtiments du Roi, Jean
Armand n’était connu jusqu’à présent que grâce aux comptes de cette administration 3 .
Francisé, son nom de famille apparaît sous la forme Herman, Harmans, Harmand, Armand
ou Armans, aussi bien sur les règlements des Bâtiments que dans les divers actes notariés,
quelques uns restés inédits jusqu’à présent 4 . Cependant, ces derniers portent ses signatures :
Jan Ghermæns vers 1640, puis Harmans 5 , enfin J. Harmand, à partir de 1658.
BIOGRAPHIE
D’origine germanique, le patronyme de cet artisan qu’on retrouvait déjà à Paris en
1640, habitant rue des Blancs-Manteaux, indique qu’il aurait pu être natif du pays de Juliers
ou de Flandre. Tout porte à le croire, rien ne permet pour l’instant de l’affirmer avec
certitude. Ses antécédents familiaux demeurent cependant inconnus. Dès cette date, Jean
Armand était désigné en tant que menuysier du Roy en ébeine : il aurait pu arriver
donc à Paris dans les années 1630–1635. On ignore la date de son mariage en premières
noces avec Marie Boutier (ou Bouquier) : on peut supposer que l’événement eut lieu vers
1640–1643, ainsi avait-il vu le jour vers 1600–1610. Une fille, Elisabeth, lui était née de ce
premier lit en 1644 et l’événement tendrait à renforcer l’hypothèse des origines flamandes de
l’ébéniste, car sa progéniture fut tenue alors sur les fonds baptismaux par l’épouse du
sculpteur d’origine bruxelloise Gérard Van Obstal (1605–1668) 6 . Après 1644, une
seconde fille, Anne, que nous allons rencontrer par la suite, naquit de cette première union
avec Marie Boutier.
Armand signa le 1 er février 1659, son contrat de mariage en secondes noces avec
Charlotte Picart, fille de Jean-Michel Picart, maître peintre à Paris et de feue Marie
Marguillier, son épouse 7 . L’ébéniste habitait à ce moment dans la rue du Faubourg-Saint-
Honoré, paroisse de la Madeleine. L’alliance avec Picart, nous allons le constater, fut
The Burlington Magazine , CXXVI, 975, juin 1984, p. 333-339 ; Th. H. Lunsingh Scheurleer, Pierre Gole
ébéniste de Louis XIV , Dijon, 2005.
2 D. Alcouffe, Les Macé, ébénistes et peintres , Bulletin de la Société de l’Histoire de l’Art Français
( B.S.H.A.F. ), 1972, p. 61–82 ; C. Demetrescu, Domenico Cucci, le plus baroque des ébénistes de Louis XIV ,
L’Estampille-l’Objet d’Art , 306, octobre 1996, p. 58–79 ; C. Demetrescu, Les Gaudron, ébénistes du temps de
Louis XIV, B.S.H.A.F., 2000, p. 33–61 ; C. Demetrescu , Les Campe, ébénistes méconnus du règne de Louis XIV ,
Objets d’Art. Mélanges en l’honneur de Daniel Alcouffe , Dijon, 2004, p. 192–199.
3 Guiffrey, Comptes… , 1881, t. I ; les mêmes informations ont été reprises par E. Molinier, Histoire
générale des arts appliqués à l'industrie … , Paris, Londres, Bruxelles, s.d. [1896–1911] t. III : Le mobilier au
XVII ème et au XVIII ème siècles , p. 81 ; H. Vial, A. Marcel, A. Girodie, Les artistes décorateurs… , Paris, t. I, 1922,
p. 180. Il est répertorié sous le paronyme Eggmann (Jean) ; D. Alcouffe, Le règne de Louis XIV , Le mobilier
français… , Paris, 1991, p. 23.
4 Voir également L. Hautecœur, Le Louvre et les Tuileries de Louis XIV , Paris, 1927, p. 45, D. Alcouffe ,
Les Macé …, 1972, p. 5.
5 Ghermans puis Harmans, francisé en Armand est un nom d’origine germanique ; il dérive probablement
de Hardman ( hard = dur et man = homme) ou de Hariman ( hari = armé).
6 B.n.F., Ms, N.a.f. 12119, Laborde, 33345 : le baptême eut lieu le 4 octobre 1644 et le parrain fut Just
d’Egmont, maître peintre.
7 Arch. nat, Min. cent., LXXXIII, 100. La célébration du mariage eut lieu le 9 février suivant dans l’église
Saint-Barthélemy, en présence des parents de la mariée et de Marie Charlé, voir B.n.F., Ms, N.a.f. 12119,
Laborde, 33346.
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décisive pour l’orientation de la carrière d’Armand. De son vrai nom Jean-Michel Picært,
celui-ci était né en 1600, à Anvers 8 . En 1634 il s’installa à Paris, au faubourg Saint-Germain.
Il y était mentionné en 1638, sur une liste des marguilliers de la confrérie de peintres de la
nation flamande, de Saint-Germain-des-Prés : « Jean Michel Picært d’Anvers, peintre 9 ». Le
2 mai 1640, il fut reçu à l’Académie de Saint-Luc et habitait alors dans l’île du Palais 10 .
Peintre ordinaire d’Henri de Bourbon, évêque de Metz 11 en 1647, il devint peintre de
l’Académie royale dès 1651, puis peintre ordinaire et peintre du Roi, à partir de 1671. Auteur
de tableaux de fleurs, « il entretenoit des jeunes gens à faire des copies ou à faire d’autres
ouvrages ; car c’était à lui la plupart du temps qu’on s’adressoit lorsqu’on avoit de l’ouvrage
à faire » 12 . Ce fut le cas de Philippe Vleughels (1619-1694) et Philippe Musson qui
travaillèrent pour Picart au début de leur carrière parisienne. Les relations commerciales du
père de ce dernier, le négociant anversois Matthys Musson, avec Picart sont connues grâce à
une importante correspondance poursuivie entre 1650 et 1676. Très tôt, Picard devint l’un
des plus importants marchands de tableaux et de curiosités de Paris 13 . Dans sa boutique du
Pont-Neuf s’entassaient des œuvres des maîtres italiens et flamands, la plupart arrivées par le
biais de Musson : Patenier, Brueghel, Téniers, Wouwerman, etc. Plus tard, en 1674-1675, et
avec la complaisance de Roger de Piles, il constitua le cabinet des Rubens du duc de
Richelieu 14 , qui comptait non moins de douze œuvres du maître 15 . C’est dans le sillage de ce
beau-père qu’Armand s’adonna au commerce de tableaux, après son second mariage. Et,
vraisemblablement tout comme lui, il fréquenta dès son arrivée en France la communauté
des catholiques originaires des pays du Nord qui se réunissait au sein de la Société
Catholique des illustres nations Flamande, Allemande, Suisse, Italienne, Espagnole et autres
et dont Picart avait été élu marguillier en 1638 16 . Fondée en 1627, suite à l’initiative
d’Isabelle d’Espagne (1566-1633) qui avait requis de Louis XIII « d’assigner une église
dedans ou dehors de sa bonne Ville de Paris aux Nations Belgiques et Teutoniques, dans
laquelle il y auroit un Prestre soit séculier, soit régulier, dûëment autorisé et approuvé par
l’Ordinaire et suffisamment versé ès idiomes étrangers, pour leur administrer les Saints
Sacremens, et leur annoncer les véritez de l’Évangile tous les Dimanches et Festes
8 Pour cet artiste et son rôle dans le commerce de tableaux parisiens voir A. Schnapper, Curieux du Grand
Siècle… , Paris, 1994, p. 88-89.
9 P. Anselme d’Anvers, Catalogue…des marguillers anciens et modernes de la catholique assemblée… ,
Paris, 1691.
10 J. Guiffrey, Histoire de l’Académie de Saint-Luc , A.A.F. , t. IX, Paris, réimpr. 1970, p. 417.
11 Henri de Bourbon (1601-1682), bâtard du roi Henri IV et de Catherine-Henriette de Balzac
d’Entragues, marquise de Verneuil, légitimé en 1603, nommé évêque de Metz en 1608, il est également abbé de
Saint-Germain-des-Prés et prince du Saint-Empire. En 1652 il quitta l’état ecclésiastique en renonçant à sa charge
d’évêque de Metz, fut créé chevalier en 1661, puis duc de Verneuil et pair de France en 1663. Ambassadeur en
Angleterre en 1665, il épousa le 29 octobre 1668, Charlotte (†1704), fille du chancelier Pierre Séguier (1588-
1672) et veuve de Maximilien de Béthune, 2 e duc de Sully (†1661), avec lequel elle avait convolé en 1639, voir
C. Levantal, Ducs et Pairs… , Paris, 1996, p. 970-971.
12 Nicolas Vleughels, Mémoires inédits …, 1854, t. I, p. 357, cité par A. Schnapper, Curieux du Grand
Siècle… , Paris, 1994, p. 88
13 T. Wolvesperges, Le meuble en Belgique , Bruxelles, 2000, p. 28 et 30. En 1655, Picart racheta
également le stock du marchand anversois Goetkint, qui comptait aussi des cabinets à placage d’écaille et proposa
au marchand Musson de lui envoyer des modèles de piétements de cabinets dessinés à Paris, pour être exécutés à
Anvers. 14 Armand-Jean de Vignerot du Plessis, 2 e duc de Richelieu (1629–1715).
15 Cité par A. Schnapper, Curieux du Grand Siècle… , Paris, 1994, p. 89.
16 A. de Montaiglon, « Confrérie de la nation flamande …, N.A.A.F. , 1877, p. 158 et sq. ; J.M.H. Mathorez,
Les Etrangers en France… , Paris, 2009, p. 119.
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principales de l’année » 17 , la confrérie venait de se substituer à une plus ancienne, de 1603,
qui réunissait les tapissiers flamands établis aux alentours des Gobelins. La Société
Catholique des illustres nations avait été installée d’abord dans l’église Saint-Hippolyte, au
faubourg Saint-Marcel, puis fut transférée en 1630, à Saint-Germain-des-Prés. Cependant, la
plupart des marguilliers élus entre 1627 et 1695 étaient originaires de la « Basse et Haute
Allemagne » et appartenaient aux professions de l’artisanat de luxe : graveurs, peintres,
marchands orfèvres, batteurs d’or, tailleurs d’habits. Curieusement, parmi eux, un ébéniste,
Jean-Baptiste Hooghstraeten, originaire de La Haye, était qualifié en même temps de
« marchand de vin » 18 . Comme dans le cas des réseaux d’immigration protestante qui
permirent aux différents ébénistes originaires de l’Allemagne et de la Hollande de s’installer
à Paris, la confrérie catholique développa des structures d’accueil national et, tout en
favorisant le voyage de compagnonnage, parvint finalement à l’accroissement du nombre de
ses membres établis définitivement dans la capitale de la France.
Nous retrouvons Armand en 1649, lorsqu’il était détenu à la prison de la seigneurie de
l’abbaye de Saint-Germain-des-Prés, à cause d’un différend d’argent qui l’avait opposé à
Jeanne Ménard, veuve d’un boucher 19 . Il demeurait déjà au faubourg Saint-Germain, « en la
basse cour du palais d’Orléans » 20 ; ce qui laisse présumer que dès cette époque, il était au
service et sous la protection de Gaston d’Orléans (1608-1660), l’oncle de Louis XIV. Dix
ans séparaient ce document du suivant qui mentionnait le nom de Jean Armand : il habitait
alors la rue du faubourg Saint-Honoré, paroisse de la Madeleine, et signait le 1 er février
1659, son contrat de mariage en secondes noces avec Charlotte Picart, fille de Jean-Michel
Picart, maître peintre à Paris et de feue Marie Marguillier, son épouse 21 . L’influence de ce
beau-père dans la diversification du commerce d’Armand et dans son orientation vers la
peinture fut décisive. A l’occasion de la signature de l’acte, seuls des témoins de la future
mariée furent présents : Marie Richard, la seconde épouse de Picart et Marie Chaulain, fille
majeure, sa tante. La dot de Charlotte s’élevait à 600 livres auxquelles s’ajoutaient les 200
que son père avait déboursées « pour faire apprendre à travailler en cousture à lad. Future
espouze, suivant l’apprentissage qui en a esté faict » 22 . Le douaire et le préciput furent fixés à
200 livres, dont 100 en biens meubles. Une quittance du 9 février 1659, à la suite du contrat
de mariage, prouvait que les 600 livres avaient déjà été payées par Picart à son gendre. Deux
autres filles, Marie et Marguerite, et un garçon, Thomas, naquirent de cette nouvelle union à
des dates qui restent inconnues. Ils étaient tous encore mineurs au moment du décès de leur
17 Cité par W. Frijhoff, « Les voyageurs néerlandais …, Les Pays-Bas et la France… , Nijmegen, 1993,
p. 101. Isabel Clara Eugenia d’Autriche, la fille de Philippe II d’Espagne et de sa troisième épouse, Elisabeth de
Valois et la petite-fille d’Henri II de France et de Catherine de Médicis, avait reçu le gouvernement des Pays-Bas
en dot en 1599, lors de son mariage avec Albert de Habsbourg, fils de l’empereur Maximilien II. Après le décès
de ce dernier en 1621, elle rejoint l’ordre des Clarisses et, confirmée par le roi d’Espagne dans la fonction de
gouverneur des Pays-Bas, continue à administrer seule le pays jusqu’à son décès survenu en 1633.
18 Père Anselme d’Anvers, Catalogue chronologique… , Paris, 1691, cité par W. Frijhoff, art. cit. , p. 102.
19 Arch. nat., Min. cent., VIII, 665 : obligation du 22 mai 1649.
20 En fait, le palais du Luxembourg, avait été commencé par Salomon de Brosse pour la reine Marie de
Médicis qui s’y installa vers 1625 pour le quitter en 1631, lorsqu’elle se retira à Cologne. En 1643, après le décès
de Louis XIII, le palais avait été hérité par son frère Gaston d’Orléans, et à partir de ce moment jusqu’à la
Révolution, il allait porter l’inscription d’Orléans au-dessus de sa porte d’entrée. En 1660, à la mort de Gaston,
c’est sa veuve qui en hérita, puis, après son décès en 1672, c’est à sa fille, Mlle de Montpensier que revint le
palais. À la mort de cette dernière, sa sœur cadette, Elisabeth d’Orléans, duchesse de Guise et d’Alençon en hérita
et en fit don à Louis XIV, qui le céda à son tour à son frère Philippe d’Orléans.
21 Arch. nat., Min. cent., LXXXIII, 100. La célébration du mariage eut lieu le 9 février suivant dans
l’église Saint Barthélemy, en présence des parents de la mariée et de Marie Charlé, voir B.n.F., Ms., N.a.f. 12119,
Laborde, 33346.
22 Arch. nat., Min. cent., LXXXIII, 100, cité.
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père, survenu vraisemblablement en mai 1670, puisqu’une tutelle avait été enregistrée au
Châtelet le 2 juin suivant. Le 3 juillet 1670, l’inventaire après décès de Jean Armand fut
commencé dans le logement de la famille situé « rue et devant le Temple », paroisse Saint-
Nicolas-des-Champs, et dans une boutique et une chambre qu’il occupait dans l’enclos du
Temple 23 . Elisabeth, sa première fille, était décédée à ce moment, car seule Anne et les
enfants du second lit se portèrent héritiers de sa succession. Le logement, sis au second
étage, se composait d’une antichambre servant de cuisine, d’une pièce principale et d’un
grenier où pouvait également coucher une personne et qui servait pour entreposer des
accessoires de sa profession. L’intérieur de la maison révélait une certaine aisance
bourgeoise : des murs tendus de tapisserie « façon de Rouen », un lit à colonnes tournées en
bois de hêtre avec ses garnitures en serge de Mouy rouge, des sièges garnis du même tissu,
une table en ébène, un bahut recouvert en cuir noir, deux miroirs, dont un de Venise et
l’autre de toilette, avec sa bordure de noyer garni d’ébène. L’impression d’aisance était
renforcée davantage par la présence d’une cassette de palissandre « à pièces rapportées »,
posé sur un piétement à un tiroir, soutenu par six pieds en forme de colonne torsadée, et d’un
« petit cabinet d’esbeyne à deux guichets fermans à clef, garny de plusieurs tiroirs avec un
grand dessoubz, posé sur son châssis à pilliers de bois de poirier ». Sur les murs étaient
accrochés une estampe à cadre de bois d’olivier souligné de filets d’ébène, un « petit tableau
peint sur thoile » représentant « trois testes de mort », et le portrait d’un prieur de France
dans l’ordre de Malte. Fait moins courant chez ses confrères, Armand possédait une
bibliothèque de cent deux volumes dont une Vie des Saints , in folio, et un « grand livre
allemand traictant de la géographie et dans lequel sont plusieurs cartes ». Lisait-il ainsi dans
cette langue ? Vraisemblablement. Enfin, le petit grenier renfermait, en dehors des
fournitures d’ébénisterie, une paillasse et deux tableaux peints sur toile représentant
respectivement un nu et un paysage. Les habits du couple, évalués à 43 livres 15 sols,
témoignaient du même souci de bienséance bourgeoise : un habit en rouget gris-brun doublé,
composé d’un haut-de-chausse, pourpoint et casaque, un autre noir en camelot de Hollande,
aussi doublé pour Armand, un manteau d’étamine du Lude grise et une jupe de popeline
jaune avec guipure pour son épouse. Ainsi, la valeur totale des biens de Jean Armand,
marchandises comprises, montait-elle à 1 071 livres 2 sols : cette, somme non négligeable à
l’époque pour quelqu’un de sa condition sociale, restait pourtant nettement inférieure à celle
représentant l’avoir d’autres confrères, tels Pierre Gole, César Campe, André-Charles
Boulle, etc. Néanmoins, ses dettes passives en valeur de 2 102 livres 7 sols, générant un
déficit de 1 031 livres 5 sols, rendaient sa succession onéreuse. L’inventaire des papiers ne
mentionnait, par ailleurs, aucune rente constituée ou acquisition immobilière.
CARRIÈRE ET COLLABORATEURS
Les quelques documents concernant Jean Armand permettent de retracer en lignes
générales sa carrière : maître entre 1640 et 1649, il était dit en 1658 « maître esbénier de Son
Altesse Royalle M gr le duc d’Orléans », en 1659, « maître sculpteur en ébeyne et de la
Reyne », et cette même année, ébéniste de la Reine et du duc d’Orléans, puis, en 1670,
seulement ébéniste de la Reine 24 . Depuis le 1 er mars 1664 et jusqu’à la fin de sa vie, il fut
23 Ibid. , CII, 69 : inventaire après décès du 3 juillet 1670.
24 Bien qu’Anne d’Autriche fût décédée en 1666. À moins qu’il n’ait conservé la même charge auprès de
Marie-Thérèse d’Autriche (1638-1683), que Louis XIV avait épousée le 9 juin 1660.
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